31 janvier, 2024
• Mme Brigitte Guillet, enseignante au primaire
Comment tirer profit des devoirs et leçons?
Qu’on soit parent ou enseignant, le sujet des devoirs et leçons reste une question incontournable qui revient plusieurs fois par année. Pourquoi faire des devoirs et des leçons? Comment les faire réaliser à notre enfant ou à nos élèves?Quelles stratégies doit-on privilégier pour s’assurer de leur succès? Quelles sont les retombées réelles sur le cheminement scolaire de nos élèves ou de notre enfant? EST-CE OBLIGATOIRE?
Que vous soyez du côté des parents, des enseignants ou les deux à la fois, ce sujet est un véritable casse-tête sur lequel personne ne s’entend. Même les écrits scientifiques à ce sujet ne s’entendent pas pour déterminer si les devoirs et leçons sont réellement bénéfiques ou non pour les élèves. Si on soulève la pertinence et l’importance de la répétition sur la mémoire, on remarque également que son effet est souvent limité dans le temps. Lorsqu’on observe des retombées positives sur les résultats scolaires, on dénote également que certains des milieux à l’étude sont souvent accompagnés d’une certaine motivation scolaire des élèves et d’une qualité d’enseignement supérieure. De plus, les données sur la quantité, la qualité et le type des devoirs donnés, des supports utilisés pour faire ces travaux à la maison, et le temps imparti à leur réalisation est tellement variable d’une étude à l’autre qu’il est difficile d’en dégager une conclusion significative. Si la science elle-même n’arrive pas à s’entendre sur la place des devoirs et leçons dans nos institutions, comment doit-on se positionner sur la question en tant qu’enseignant?
Quelques faits intéressants
En 2010, le Conseil Supérieur de l’Éducation, dans un avis à la Ministre s’intitulant « Pour soutenir une réflexion sur les devoirs à l’école primaire », soulevait que 99% des enseignants du Québec avaient recours aux devoirs et leçons pour consolider les apprentissages des élèves. Une étude menée par la Fédération des comités de parents du Québec, la même année, démontre également que « la grande majorité des parents (90%) sont tout à fait ou plutôt d’accord avec la tenue de devoirs et leçons au primaire, de manière générale. » Les enseignants et les parents semblent alors majoritairement d’accord, selon les données provenant des deux publications, que les devoirs et leçons servent autant à la révision, à la consolidation qu’à l’achèvement du travail effectué en classe. Toutefois, malgré la bonne foi des deux parties pour accompagner l’enfant dans cette tâche, il en résulte quand même quelques difficultés! Ce moment peut parfois être laborieux pour les parents, comme en témoigne plus récemment le Conseil Supérieur de l’Éducation dans son rapport sur « Le bien-être de l’enfant à l’école » :
« Les devoirs et les leçons sont une façon pour les parents de suivre les apprentissages de leur enfant, mais le temps requis par l’enfant pour les réaliser et la nature des tâches données constituent des défis d’accompagnement pour plusieurs d’entre eux. » (CSE, 2020)
De plus, plusieurs enseignants s’entendront pour dire que les discussions autour des devoirs et des leçons constituent une des majeures parties des communications avec les parents et cela ne se passe pas toujours sur une note positive! Effectivement, il n’est pas rare que les discussions autour des devoirs et leçons s’enflamment, ce qui peut avoir un impact négatif sur la relation entre le parent et l’enseignant. Avec une proportion record de 22% d’élèves HDAA dans nos classes, on peut comprendre que les impacts des difficultés vécues à l’école se répercutent à la maison lors du moment des devoirs et leçons. Même pour les élèves n’étant pas identifiés comme tel, ce moment constitue un réel défi pour les parents. Plusieurs facteurs influencent alors le rendement de l’enfant, notamment ses difficultés et sa motivation dans certaines matières, de l’effort mental fourni durant la journée, de son état émotif (notamment s’il y a eu des conflits à l’école ou dans l’environnement familial) ou même du temps qu’il a passé au service de garde de l’école. À ce propos, plus de 50% des élèves du primaire fréquentent présentement un service de garde au Québec, selon Statistique Canada, dont plusieurs le fréquentent jusqu’à 4 heures par jour. Certains de ces élèves passent donc de longues journées à l’école et quelques-uns y restent même de l’ouverture à la fermeture. Cela peut bien évidemment rendre l’enfant indisponible aux apprentissages le soir venu étant donné son niveau de fatigue élevé.
Des pistes pour les enseignants
Dans les dernières années, plusieurs enseignants ont décidé de prendre le virage afin de dire non aux devoirs et leçons. Certains, au contraire, continuent de les donner de manière assidue et traditionnelle. D’autres se situent entre les deux, pesant le pour et contre des deux façons de faire. Étant donné que les devoirs et leçons relèvent de l’autonomie professionnelle du personnel enseignant (à moins qu’il en ait été statué autrement dans le projet éducatif de l’école), chacun peut choisir de quelle façon il les gèrera dans sa classe. Comme la collaboration école-famille consiste en une des pierres angulaires de la réussite des enfants, il importe d’adapter sa pratique-enseignante en ce sens afin de s’adapter davantage à son milieu, aux besoins de ses élèves et aux ressources disponibles à la maison. Voici quelques pistes pouvant être exploitées afin de rendre ce moment plus agréable, plus efficace et plus adapté :
- Questionnez-vous sur la nécessité des devoirs et leçons envoyés à la maison.○ Plusieurs écrits scientifiques proposent de courtes séances de plus ou moins une quinzaine de minutes d’une à quatre fois par semaine, selon l’âge de l’enfant. Ces séances peuvent aller jusqu’à une heure au secondaire, quelques jours par semaine.
- Évaluez avec le plus de justesse possible le temps imparti à la réalisation des tâches à la maison.
○ Sans nécessairement enlever tous les devoirs et leçons, il importe de se questionner sur la pertinence de ceux qui sont acheminés à la maison. Renforcent-ils vraiment les apprentissages réalisés en classe? Conviennent-ils aux besoins des élèves? Sont-ils réalisables dans le temps dont disposent les parents? Sont-ils motivants pour les élèves (et pour les parents!)? Peuvent-ils être exécutés autrement (apprentissage par le jeu, par exemple)? Certains peuvent-ils être réalisés en classe, lors de moments-clés où l’élève n’est plus disponible aux nouveaux apprentissages, mais pourrait l’être aux exercices de répétition? La réalisation de traces écrites est-elle nécessaire?
- Variez les supports utilisés pour réaliser les travaux. ○ Avec les technologies, il est possible d’utiliser des exerciseurs en ligne afin de donner certains devoirs aux élèves (tels que Netmath, la plateforme i+, les jeux disponibles sur Allôprof, La Constellation de l’Ours ou Troubadour, Lalilo, Alec, Boukili…). En plus de fournir à l’élève une rétroaction immédiate (ce qui favorise ses apprentissages), certaines plateformes permettent à l’enseignant d’avoir un suivi personnalisé de chaque élève du groupe afin d’avoir une meilleure idée du temps imparti à la tâche et de ses difficultés. Ils offrent aussi la possibilité de reprendre en classe un exercice ayant été laborieux pour une majorité d’élèves afin de revenir sur le concept. Finalement, ils permettent à l’enseignant de sauver beaucoup de temps lorsque vient le temps de vérifier et corriger les devoirs de manière hebdomadaire!
- Fournissez aux parents et aux élèves un exemple précis de ce que vous vous attendez.○ Pour certains travaux répétitifs, offrir un cadre précis du résultat attendu évitera beaucoup de désaccord entre parents, élève et enseignant! Il peut être remis dès le début de l’année, en rencontre de parents, ou placé dans le cartable d’étude de vos élèves (ou tout autre outil semblable que vous utilisez).
- Offrez une fiche-conseil pour aider le parent à organiser le moment des devoirs et leçons.○ Plusieurs ressources offrent des conseils pour aider les enfants à mieux gérer ce moment récurrent de leur semaine qui leur cause parfois beaucoup de stress : Naitre et Grandir, l’École Branchée, Allôprof, Fédération des comités de parents du Québec… Choisissez celle qui vous convient le mieux et remettez-la aux parents dès la première rencontre de parents.
- Encouragez les parents à discuter avec vous s’il a du mal à comprendre ou à faire les devoirs avec son enfant.○ Que ce soit en individuel avec le parent concerné, en sous-groupes de plusieurs parents d’une même classe ou d’un même niveau ou sous forme de conférence donnée aux parents à l’école ou en ligne, l’aide aux parents peut prendre plusieurs formes. Il est nécessaire de les outiller et de répondre à leurs questions. Afin d’alléger cette tâche, il est parfois possible de s’organiser entre collègues ou en équipe-école pour soutenir les parents de manière efficace selon leurs besoins. De plus, cela vous aidera à favoriser une bonne relation école-famille!
- Partagez un plan avec les parents pour structurer le temps des devoirs et leçons.
○ Pourquoi ne pas créer un ou des plans pour organiser les temps de devoirs avec votre Oplan préféré et les partager en lecture seule avec les parents de votre groupe? Mieux encore, faites créer à vos élèves leur propre plan d’étude et encouragez-les à l’utiliser à la maison! Étant habitué à s’y référer lorsqu’il est à l’école (pour les enseignants utilisant Oplan dans leur classe), il sera plus aisé pour l’enfant de retrouver ce cadre sécurisant lorsque vient le temps des devoirs et leçons.
Conclusion
La réflexion entourant les devoirs et leçons n’a certainement pas fini de nous apporter son lot de questionnements, d’incertitudes et de débats enflammés. Toutefois, il importe de retenir que les enseignants, les parents, les enfants et l’école en tant que telles sont des parties prenantes dans cette discussion. Il est donc nécessaire de prendre en compte les réalités et les opinions de chacun afin d’adapter les devoirs et leçons en fonction des besoins de l’enfant et des réalités qui l’entourent. Qu’on désire les abolir ou non, les enseignants doivent prendre le temps de réfléchir à leurs pratiques pour adapter celles-ci afin de faire des devoirs et leçons un moment plus efficace et agréable… pour tous!
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